lundi 2 septembre 2013

Conspiration dans la cour de récré

Le Musée d'Orsay a mis en ligne sur son site des œuvres commentées. Belle initiative pour découvrir des mouvements artistiques ou des peintres méconnus. En cette période de rentrée, préparons nos billes.

Un meeting


Lorsque Un meeting est exposé au Salon de 1884, l'accueil du public et de la presse est élogieux. Mais ce succès est loin de satisfaire Marie Bashkirtseff qui enrage de ne recevoir aucune médaille. Elle écrit dans son Journal : "je suis dans l'indignation [...]. Car enfin on a récompensé des choses relativement mauvaises" ou encore "Il ne peut plus rien y avoir pour moi. Je suis un être incomplet, humilié, fini". Sûre de son talent, elle dénonce ce qui lui semble être une injustice, mais exprime également une peur : celle d'être oubliée. Marie n'a alors que vingt-cinq ans et se sait déjà condamnée par la tuberculose - elle meurt le 31 octobre de la même année -. "Rester comme une grande artiste", voilà l'une des obsessions de la jeune femme qui a choisi de devenir peintre à une époque où l'Ecole des Beaux-arts est encore réservée aux hommes.

Marie Bashkirtseff se coule ici dans la veine naturaliste de Bastien-Lepage (1848-1884), qu'elle admire, mais transpose sur le plan urbain, comme leur contemporain Fernand Pelez (1848-1913), les thèmes de son mentor. Elle ne néglige aucun détail dans ce qui s'apparente à une scène de genre. Six jeunes garçons, aux mimiques et aux gestes saisis avec acuité, font cercle autour d'un objet difficile à identifier, probable sujet de leur confrontation. Leurs habits usagés indiquent qu'ils sont issus des classes populaires - la palissade de bois, les graffitis et les affiches déchirées renforcent cette impression -. Leurs blouses montrent qu'ils s'agit d'écoliers; nous sommes au début des années 1880 et les lois Ferry ont instauré l'enseignement laïc, gratuit et obligatoire.
L'artiste n'introduit aucune dimension sociale dans son oeuvre. Aristocrate d'origine russe, elle pose sur ces enfants un regard distant et ne fait que répéter un stéréotype qui convient à la bourgeoisie.
On peut en revanche s'interroger sur le titre du tableau et la présence d'une petite fille s'éloignant, à droite. Engagée dans les luttes féministes de son temps, Marie Bashkirtseff dénonce peut-être une société misogyne : le débat reste masculin et la femme en est tenue éloignée.

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