(lire ici) :
Le quotidien britannique The Guardian s'apprête à lancer un nouveau mensuel aux États-Unis. Le rédacteur en chef de ce magazine a ceci d'étonnant que c'est un robot ou, plus précisément, un robot logiciel.
Des algorithmes choisiront les articles qui seront publiés dans chaque numéro. À la manière de services tels que Paper.li ou Scoop.it, le choix des articles sera dicté par le nombre de partages Facebook ou de tweets générés.
Des algorithmes choisiront les articles qui seront publiés dans chaque numéro. À la manière de services tels que Paper.li ou Scoop.it, le choix des articles sera dicté par le nombre de partages Facebook ou de tweets générés.
Ainsi donc il ne serait plus question de lire des articles d'investigation rédigés par des journalistes, des intellectuels, des penseurs dont on connaît les travaux de recherche et les fondements de leur pensée, mais seulement d'être informé de ce qui plaît le plus sur les réseaux sociaux...
1) La question de savoir s'il est possible de "manipuler" les retweets et le nombre de partages n'est pas abordé (puisque tout le monde sait bien que ces données sont complètement falsifiées : c'est le propriétaire d'un restaurant qui met le plus grand nombre de commentaires élogieux sur son enseigne sur Facebook ou Twitter ; ce sont les rédacteurs des articles sur les sites tels que l'Internaute ou bien d'autres qui ajoutent de nombreux commentaires faisant croire au succès phénoménal de leurs publications...) ;
2) la question de savoir si les lecteurs doivent être considérés seulement comme des "consommateurs" naïfs et grégaires n'est pas soulevée ;
3) la question du rôle des journalistes dans une société au 21e siècle est évacuée : leur rôle est-il d'apporter un complément d'informations avec une grille de lecture sur des événements, sélectionner une information et son contexte permettant d'en comprendre tous les aspects, aller dénicher des informations en dehors des sentiers battus... ou bien abandonneront-ils le navire acceptant que leurs lecteurs ne soient lobotomisés et se bornent à faire comme leurs congénères répétant tels des perroquets stupides les mêmes informations stériles qu'on leur a servies en vue d'abrutir davantage les individus...
"99 cents" - Andreas Gursky (MNAM) |
Si l'ère du numérique est exaltante quant aux nombreuses opportunités qu'elle rend possibles, il y a fort à craindre toutefois si elle permet aussi les pires usages et l'asservissement des individus par d'autres en vue de profiter de leur naïveté... Les romans de science fiction ont souvent évoqué un futur sombre assujetti à des dictatures ayant annihilé toutes tentatives de réflexion, de singularité, d'exception, de cas particuliers : ces dictatures ne peuvent survivre qu'en "formatant" l'individu selon un modèle unique. Peut-être est-il temps d'entrer en résistance face à cette tentative d'unifier le goût et la pensée en des modèles identiques et communautaristes ? Jusqu'où doit-on se plier aux contingences imposés par le groupe social auquel on appartient pour ne pas en être exclu ?
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