mardi 28 janvier 2014

Les disquettes d'antan atteintes d'Alzheimer

On est parfois surpris de certaines réactions du genre humain.
Il y a 10 ans, dans une entreprise, lorsque le management envisageait de produire un trombinoscope, il était fréquent de voir les personnes concernées rechigner à donner leur photo. Donc qu'une interface commune existe dans laquelle les quidams mettent de leur plein gré leur autoportrait accompagné de photos privées et du descriptif commenté de leurs dernières sorties, paraissait inimaginable... Pourtant Facebook a vu le jour provoquant l'engouement des internautes désireux de s'exprimer et de se mettre en lumière !
Jusqu'à se rendre compte que le référencement de leurs données pouvait devenir un problème lorsque l'oubli nécessaire à l'évolution n'existait pas, ce qui impliquait de créer des outils tels que Snapchat (lire ici) dont le principe repose justement sur la fugacité des échanges (correspondant à une forme d'expression orale et non écrite).

Or, il est malgré tout plus fréquent de déplorer l'obsolescence des solutions techniques que leur pérennité ! Si la biodiversité est appréhendée dans son écosystème naturel à protéger, il n'en va pas de même pour "l'infodiversité" que l'on fait rentrer au chausse-pied dans des solutions toujours plus vastes, plus standards, plus uniformes, plus centralisée.
D'où un réel problème : la dématérialisation des données va-t-elle engendrer une perte (irrémédiable) des données, de leur contexte, des "preuves" et éléments connexes relatives à ces données ? Les données stockées (sans les imprimer) il y a 15 ans dans une vieille disquette (floppy disk), ou dans un CD-rom il y a 10 ans, sont-elles irrémédiablement perdues ?
Votre collection de CD de musique constituée au fil des ans, des anniversaires et des Noels, est-elle vouée à finir chez un brocanteur, voire comme votre minitel dans un amusant musée vintage (celui des années N-10) parce qu'il n'y aura plus d'appareil pour lire ces CD ?
Certains scientifiques s'inquiètent de la perte des données (lire ici) qui seraient liées à un support obsolète. Le papier lui ne disparaît pas aussi vite et présente toujours des avantages indéniables !




Bergson s'était intéressé en 1896 à la dualité Matière-Mémoire (lire résumé wikipédia ici). Cette dualité a-t-elle du sens en ce qui concerne les objets en matière numérique ?
Si la matière contient de l'information (cette idée récente en sciences est très bien expliquée par Igor et Grichka Bogdanov dans leur livre la fin du hasard (paru chez Grasset) qui sont à l'histoire contemporaine des sciences ce qu'Alain Decault a été à l'histoire de l'ORTF : des conteurs d'exception !), donc si la matière contient de l'information, y a-t-il une zone physique de stockage de l'information, et par suite y a-t-il une zone de mémorisation de l'information ?
Chez Bergson, l'âme est le réceptacle du passé et le corps celui du présent. L'âme ancrée dans le passé contemplerait le présent en spectatrice.  
De sorte que les données seraient co-substantielles du support qui les contient. Les amateurs de disques Vinyles estiment bien souvent que certains enregistrements musicaux ont un petit supplément d'âme sur un support moins récent que sur un support réputé de meilleure qualité.
La théorie de l'information distingue 2 choses : l'information d'une part et son adresse d'autre part.
Mais s'il semble difficile d'envisager d'ajouter à ce couple un paramètre "temps" ou "contexte", peut-être faudra-t-il faire évoluer la notion "d'adresse physique" vers celui "d'adresse spatio-temporelle" pour re-produire un contenu dans son exhaustivité !
(On se rassure : un adressage spatio-temporel est actuellement un pur délire de science-fiction  ! )



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